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1. état d’être | MYRIAM SUR SA TERRE NATALE

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1. état d’être | MYRIAM SUR SA TERRE NATALE

PAR MYRIAM SAHRAOUI

Quand j’étais petite à Tanger, j’allais souvent avec mon père et ma mère au Souk’d Bara, le grand Socco de Tanger. Nous y achetions des œufs frais, des oignons et du délicieux fromage de brebis aux « Djbella », les paysans des montagnes. Pour le poisson, nous allions au grand marche aux poissons, où j’étais à chaque fois émerveillée par tous les trésors issus de la mer.

Tanger, la ville où je suis née et où j’ai passé mon enfance. Une ville située à la pointe de l’Afrique, face à l’Europe. Hercule, le demi-dieu de la mythologie, y eut un enfant avec la géante Tingis, lequel fonda plus tard la ville nommée d’après sa mère.

Seuls 14 kilomètres séparent l’Afrique de l’Europe, un bras de mer qui surgit sous les pieds de ce même Hercule lorsqu’il sépara brutalement les continents à cet endroit. Et en effet, Tanger est un lieu déchiré : un lieu d’espoir et de tragédie, de beauté et de laideur, qui possède un potentiel considérable et est confronté à d’importants défis. Une ville éternellement faite de contrastes, pleine d’histoires, d’illusions et de rêves. Cette dualité s’y ressent partout.

Pour moi Tanger, c’est aussi rentrer chez moi. J’ai donc été absolument ravie de pouvoir aller travailler à Tanger avec Female Economy, la troupe de theâtre dont je suis cofondatrice. Nous nous sommes mis au travail avec dix créateurs issus du théâtre, des arts visuels et de la littérature et venus de Tanger, Casablanca et Rabat, et dix habitants de la médina de Tanger. Lors d’un atelier intense de deux semaines, ces artistes et ces habitants se sont plongés avec passion dans l’intimité de notre méthode d’adoption. Nous avons écouté leurs histoires, qui donnent un aperçu fascinant des rêves, des désirs et des problèmes dans cette partie du monde.

Nous avions pris pour base le petit théâtre de notre partenaire Tangerois la fondation Darna, installée juste en face du grand marché aux poissons qui m’est si familier. Le théâtre se trouve dans une rue où se côtoient aussi bien une bourgeoise au volant de sa grosse Landrover que des enfants qui sniffent de la colle et des sans-abris ivres, couchés à même le trottoir. Tout cela avec pour décor l’ancienne médina et ses superbes ruelles tortueuses. Et avec la kasbah pour couronner le tout, qui offre une vue sur la mer miroitante au-delà de laquelle s’étend le continent si convoité par tellement de gens.

En salle de répétition, l’ouverture d’esprit et l’enthousiasme étaient considérables. Cela a suscité immédiatement un rapprochement et une intimité, mais aussi des heurts et des frottements, ainsi que de la beauté. Les histoires portaient sur la reconnaissance mutuelle, se reconnaître dans l’Autre et reconnaître qui l’on est : sans ambiguïté, parfois avec déchirement, parfois avec bonheur, et toujours avec le désir d’approfondir encore le contact, même si ce sentiment entraînait aussi une confrontation avec soi-même. Se refléter en permanence dans l’Autre. Comme le dit un proverbe arabe :

اتبع الصديق الذي يبكيك وليس الصديق الذي يضحكك

Pour moi, cette expérience est un rêve devenu réalité.  Je remercie de tout mon cœur ma fantastique troupe et ma famille Female Economy, qui a bien voulu se lancer dans cette aventure avec moi. Dans cette petite partie du monde, mon passé, mon présent et ce en quoi je crois tant et qui symbolise le travail de notre troupe de theâtre ont convergé, avec l’approche de l’Autre comme attitude de vie. En accordant toujours la priorité à l’écoute, parce que la curiosité mène à des endroits encore jamais explorés.

Je suis redevenue la petite fille aux côtés de son père dans le marché aux poissons, qui s’émerveillait en voyant les gros poissons et en entendant les histoires racontées par les pêcheurs à propos des tempêtes et de leurs nouvelles prises.
Tout cela dans l’ambiance bienveillante de ma ville exceptionelle, Tanger.

Cela donne envie de bien plus encore. L’aventure peut donc continuer. Yallah !

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